Mon mari a aujourd’hui 40 ans et moi-même 36 ans (36 et 32 ans au moment des faits). Il est ingénieur spécialisé en traitement des eaux, et je suis référente environnement pour un groupe industriel. Notre famille comprend notre fils aîné, qui a reçu un diagnostic de syndrome du bébé secoué (SBS), et bientôt son petit frère, qui naîtra à la fin d’octobre. Ils auront quatre ans d’écart.
Nous résidons en Vendée depuis 2018, mais nous sommes originaires de Bretagne où se trouvent nos familles respectives.
La grossesse et l’accouchement
L’accouchement s’est bien passé, même si le temps d’expulsion a été long (59 minutes), ce qui a nécessité plusieurs manipulations au niveau de la tête du bébé car il était coincé dans le bassin. Ses caractéristiques morphologiques étaient normales à la naissance. Nous étions heureux d’accueillir notre nouveau-né et avons pris le temps de nous adapter à son rythme, entre les repas, les soins et le sommeil. Il présentait un reflux gastro-oesophagien (RGO) qui ne préoccupait pas la pédiatre car il ne pleurait pas lors des reflux.
Les premières semaines se sont bien passées, notre fils se développant normalement. Cependant, il montrait une raideur au niveau de la nuque, ce qui le maintenait dans une position constante, surtout pendant son sommeil. Un début de plagiocéphalie a été noté dès le premier mois.
Le jour où tout a basculé
Lors d’un biberon nocturne donné par mon mari lorsque notre fils avait deux mois, vers deux heures du matin, il a fait un malaise et est devenu tout blanc, sans tonus musculaire. Nous avons immédiatement appelé les pompiers qui sont intervenus en moins de 10 minutes. Le régulateur nous a donné des instructions pour aider notre fils à reprendre connaissance. Les pompiers ont ensuite fait appel au Service Mobile d’Urgence et Reanimation (SMUR) pour vérifier son état général, qui s’est avéré rassurant. Ils nous ont conseillé de nous rendre aux urgences pour identifier l’origine du malaise, ce que nous avons accepté volontiers.
Quand le diagnostic est tombé
À l’arrivée aux urgences, les médecins ont effectué plusieurs examens : prise de sang, scanner, radio complète du squelette et recherche d’hémorragies rétiniennes. Vers 10h00, pendant le changement de garde médicale, j’étais seule avec mon fils dans une salle de consultation lorsque la pédiatre en charge m’a annoncé que nous allions traverser des moments difficiles. À ce moment-là, nous n’avions pas encore reçu les résultats des examens.
Dans la matinée, on nous a informés de la présence d’un hématome sous-dural suite au scanner effectué vers 6h00 du matin. Cela avait déclenché une radio complète du squelette et la recherche d’hémorragies rétiniennes. Lorsque les examens ont commencé, nous avons compris qu’il y avait un problème et que l’on nous soupçonnait de quelque chose qui n’avait rien à voir avec son état.
À 12h30, nous avons été transférés au service de pédiatrie sans explication. À 15h00, la pédiatre nous a annoncé qu’un signalement avait été fait auprès du procureur de la République en raison de la présence d’un hématome sous-dural et de deux traits de fracture au niveau du crâne. Les autorités ont également pris des photos du corps de notre fils qui présentait des bleus dans le cou.
Nous comprenions que la situation était grave, mais nous étions confiants en notre innocence. Cependant, nous avons ressenti un changement de perception de la part des équipes médicales. Nous avons négocié pour pouvoir rester avec notre fils pendant la nuit, malgré le règlement de l’hôpital. L’équipe d’infirmières de nuit a accepté à condition que tout soit rangé le lendemain matin. Malgré cela, nous avons reçu une remarque sévère de la part de la pédiatre qui avait annoncé le signalement.
On nous a ensuite informés que notre fils devait être transféré dans un service de neuropédiatrie et neurochirurgie pour déterminer s’il serait opéré. Le transfert s’est effectué en fin d’après-midi après une nouvelle visite aux urgences pédiatriques.
Nous avons passé la nuit avec notre fils, l’équipe étant plutôt froide mais correcte. Au troisième jour, nous avons rencontré le neuropédiatre qui a expliqué que globalement il allait bien, mais qu’ils devaient attendre un passage en IRM pour évaluer l’étendue du saignement et la nécessité d’une intervention chirurgicale. En raison des vacances de Noël et du manque de personnel, l’IRM ne pouvait pas être réalisée avant une semaine.
Pendant cette consultation, j’ai reçu un appel de la gendarmerie me demandant de les rappeler pour une audition le lendemain matin. J’ai indiqué que c’était impossible car nous étions auprès de notre fils à 1h30 de route et ne souhaitions pas le laisser seul dans l’hôpital. Le malaise s’est installé, ils ont demandé que je les rappelle plus tard.
Après avoir raccroché, le personnel de l’hôpital nous a informés que des personnes du département souhaitaient nous voir. Nous avons compris qu’ils allaient nous prendre notre fils. Les services de l’aide sociale à l’enfance sont venus nous présenter une ordonnance de placement provisoire et nous ont indiqué que nous pouvions lui dire au revoir avant de partir. Nous avions droit à deux visites d’une heure par semaine, sauf indisponibilité du personnel hospitalier. L’hôpital a expliqué qu’ils manquaient déjà de personnel, surtout en cette période, et ne disposaient pas des effectifs nécessaires pour assurer ce type de visite, cela n’étant pas leur mission principale. La première semaine, nous avons pu avoir seulement une des deux visites prévues.
En moins de 72 heures, nous sommes passés d’un état extrêmement inquiet pour la santé de notre fils à un stress intense en raison des suspicions qui pesaient sur nous, puis confiants car nous n’avions rien fait de répréhensible et finalement à un niveau de détresse intense lorsqu’on nous a séparé de notre fils.
Aucun diagnostic différentiel n’a été émis lors de l’hospitalisation de notre fils. Après quelques recherches, nous avons soupçonné un syndrome d’Ehlers-Danlos qui n’a pas été confirmé. Mais lors du suivi neurologique de notre fils, le neuropédiatre a évoqué une hydrocéphalie externe.
Dans la machine judiciaire
Affaires familiales
Notre fils a été placé sous une ordonnance de placement provisoire pour 15 jours, puis cette mesure a été prolongée à six mois après la première audience. Nous avons eu deux visites médiatisées par semaine d’une heure et une mesure judiciaire d’investigation éducative a été mise en place. Nous avons fait appel de cette décision.
Lors de l’appel, nous avons eu un juge qui a pris le temps de nous écouter. Après 15 jours de délibéré, la mesure de placement a été levée immédiatement. Nous avons récupéré notre fils après trois mois et demi de placement.
Affaire pénale
Nous avons été entendus par la gendarmerie en audition libre le lendemain du début du placement, une procédure qui a duré cinq heures. Nos parents, mon frère et ma meilleure amie ont également été interrogés. Lors de cette audition, le gendarme nous a indiqué que le médecin légiste avait conclu à un syndrome du bébé secoué probable (non certain) et demandait une relecture des clichés.
Une visite de notre domicile par la gendarmerie a également été effectuée après notre audition. Depuis décembre 2021, nous n’avons aucune nouvelle. Nous ne savons pas si un jour ou l’autre quelque chose se redéclenchera ou non.
Placement
Notre fils a été placé immédiatement dans une famille d’accueil, la même sur toute la durée du placement. Nous avons rapidement mis en place un groupe WhatsApp avec la famille d’accueil pour avoir des nouvelles régulières. Les éducateurs spécialisés que nous avons vus pendant les 15 premiers jours de placement ont parfois eu des propos inappropriés et tranchants sur ce qui est bien ou pas (par exemple, au niveau du lait maternisé par rapport à l’allaitement). Une fois le placement de six mois prononcé, nous avons pu avoir une unique éducatrice spécialisée qui a pris le temps de nous connaître. Cependant, la psychologue en charge du dossier nous a tenu des propos culpabilisants concernant le développement de notre enfant (par exemple : ne pas savoir poser son pied à plat à trois mois), alors que cela ne faisait pas partie de son ressort. Nous avons également eu quelques conflits avec la médecin de PMI qui ne souhaitait pas nous donner les moindres informations sur l’état de santé de notre fils.
Nous avons appris plus tard que des examens médicaux (radios) complémentaires avaient été réalisés sans que nous en soyons informés.
Vivre avec la suspicion
Cette épreuve a eu un impact important sur notre état émotionnel. Nous avons dû suivre tous les deux une thérapie et avons été sous anxiolytique quelques semaines. Heureusement, nous étions soudés dans notre couple, sans aucune suspicion de l’un vers l’autre. Notre famille et nos amis nous ont également soutenus dans cette épreuve. Nous avions prévenu spontanément nos amis les plus proches pour éviter les questions et les réponses hasardeuses.
Financièrement, les frais d’avocat se sont élevés à près de 10 000 €. Pour rappel, seul le volet affaires familiales est traité à ce jour, et nous avons eu la chance de pouvoir récupérer rapidement notre fils.
Aujourd’hui, notre fils a une affection importante envers son père mais tend à me rejeter. Je me demande si cette séparation a entraîné cette fracture dans le lien qui nous unit. La colère est toujours présente aujourd’hui. Il est difficile de devoir faire un passage à l’hôpital, particulièrement aux urgences pédiatriques. Dans les préparatifs de la naissance de notre futur enfant, les souvenirs de cet événement douloureux reviennent, et des questions se posent : est-ce que cela peut encore arriver ? Allons-nous devoir retraverser cela ?
L’inquiétude reste également présente. Est-ce qu’une quelconque évolution va arriver un jour ? Dans quoi cela va-t-il nous emmener ? Prochainement, notre fils doit avoir la visite médicale pour son entrée en moyenne section effectuée par la PMI. Quel sera le regard de l’infirmière sur le dossier de notre fils ?
La lassitude de devoir répéter sans cesse l’histoire auprès des différents interlocuteurs médicaux ou paramédicaux, car on ne sait jamais si cela a eu un impact sur son développement et pourrait expliquer tel ou tel état. Le sentiment de ne pas pouvoir se débarrasser de ce poids de la culpabilité que nous n’avons pas à porter, mais que le regard du milieu médical porte sur nous dès qu’on ose en parler.
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